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T comme Tireur … de sable

Tireur, pêcheur, dragueur… aucun jugement de valeur et rien de répréhensible dans ces qualificatifs ! Car c’est de sable dont il est question. Du sable de nos rivières tourangelles : le sable de Loire, du Cher et de l’Indre.

Le sable est dit-on la deuxième ressource naturelle la plus consommée dans le monde après l’eau. Le sable est utilisé de nos jours, pour la construction de bâtiments et la fabrication des enrobés de goudron pour les routes, mais aussi dans tous les composants électroniques qui nous entourent. Cette richesse naturelle n’est pourtant pas inépuisable d’où la réglementation stricte en vigueur en France et en Europe (mais qui n’est pas encore appliquée partout dans le monde) et le trafic mafieux international qui est associé à son exploitation. Pourtant, on ne manque pas de sable dans les déserts qui gagnent du terrain sur notre planète mais ce sable est trop fin et inutilisable.

La Loire a creusé son lit dans un sol granitique et des graviers siliceux. Le sable qui s’est créé depuis des millénaires par l’action de l’eau en fait un sable particulièrement prisé car exempt de dépôts terreux et argileux. Les grains sont réguliers et ronds. Ils adhèrent bien aux liants.

Parmi les matières premières exploitées par l’homme en Touraine depuis des siècles, le sable de rivière est, avec la pierre de tuffeau, un matériau de construction de choix. Les maçons mélangeaient du sable à de la chaux pour en faire un solide mortier. Le sable était aussi utilisé pour alléger les terres des jardins et potagers ; pratique toujours en vigueur chez les maraîchers et jardiniers.

L’exploitation du sable de nos rivières a été pendant des siècles, raisonnable et raisonnée tant du fait des règlementations que par les techniques manuelles employées jusqu’à la Première Guerre mondiale.

Le besoin de reconstruction et la demande grandissante des « trente glorieuses », la mécanisation puis l’industrialisation, ont abouti à une surexploitation dangereuse pour l’équilibre écologique, l’économie et pour la sécurité des riverains.
L’extraction du sable est depuis 1993, interdite dans le lit mineur de La Loire (le centre du fleuve) mais autorisée sous conditions de remise en état, dans le lit majeur (zone recouverte par les crues).

Mais revenons au temps où, avant l’arrivée des dragues mécaniques installées sur des barges puis l’extraction industrielle avec les suceuses, le sable se tirait à la main.

Le métier de tireur de sable

Le tireur de sable, aussi appelé pêcheur de sable, sablier ou sablonnier, puis au XXe siècle dragueur, extrayait manuellement le sable de La Loire, de l’Indre et du Cher (mais aussi dans d’autres régions, de la Garonne, de l’Allier et même de la Seine par exemple).

Le tireur de sable devait repérer les bancs de sable de la rivière. La règlementation lui interdisait certains lieux. Il devait se tenir à distance des quais et des berges et surtout des piles des ponts (l’extraction du sable pouvant déstabiliser les aménagements). En Loire, les bancs de sable étaient plus visibles que dans l’Indre. L’été, certains tireurs extrayaient le sable à l’aide de brouettes quand les barques ne pouvaient pas accéder à la grève. Il leur fallait ensuite reverser ce sable dans les barques avant d’atteindre les berges.

Mon tireur de sable lui, utilisait une barque à fond plat que l’on appelle une toue et une queue de singe pour atteindre le sable recouvert par l’eau.

Il manœuvrait sa barque à l’aide d’une godille et allait la placer près du banc de sable. Il la bloquait à l’aide de deux longues perches, afin que l’embarcation reste bien stable le temps de l’extraction, en évitant les courants qui risquaient de l’entraîner.

Puis il saisissait sa pelle en fonte percée, la queue de singe : une longue perche de châtaigner avec au bout une sorte de gamelle en métal à quatre côtés, percée de petits trous.

Solidement campé debout au centre de son bateau, près du bord, le « tireux de sable » comme on disait en Touraine, descendait doucement la pelle tournée face à lui. Il faisait glisser le long manche contre le flanc de la barque jusqu’à ce que la pelle touche le banc de sable.

Et il recommençait jusqu’à ce que le centre de sa barque soit plein. L’eau qui s’échappait encore du sable, s’évacuait aux deux bouts de la barque, dans le double fond. Il fallait régulièrement écoper.

Lorsque la barque était pleine, l’eau de la rivière affleurait les bords. Il fallait alors manœuvrer délicatement mais fortement pour ramener la barque au rivage.

Même si le plus souvent, il revenait dans le sens de la descente porté par le courant vers l’aval, à la rame ou à la gaffe.

Arrivé au rivage, dans son pré ou au quai, le tireur devait décharger le sable, cette fois à l’aide d’une vraie pelle et d’une brouette. Il devait aussi selon les lieux d’extraction passer plusieurs fois son sable au tamis sur des claies en grillage de différentes tailles, pour le calibrer.

Alors, il l’enfonçait dans le sable en faisant une sorte de mouvement de godille avec le manche pour qu’elle pénètre bien.

Puis il la remontait, doucement, sans à coup, une main venant se placer sous l’autre. Et au dernier moment lorsque la pelle se présentait sous le bateau, il la faisait pivoter. Puis il la remontait et la déposait délicatement sur le bord de la barque. Elle était alors pleine de sable et d’eau qui ruisselait. Il laissait le sable s’égoutter quelques instants et le versait dans le bateau.

Enfin, soit ses clients venaient chercher le sable qu’il chargeait dans leur tombereau, tracté par un ou des chevaux de trait, soit il livrait lui-même le sable à ses clients. Car le tireur de sable était aussi marchand de sable. Il était le plus souvent son « propre patron ».

Un tireur de sable pouvait ramener deux mètres cubes environ dans sa barque. Il devait renouveler l’opération matin et après-midi.

C’était un métier fatiguant et dangereux, en particulier l’hiver. Mais les hommes qui l’exerçaient étaient avant tout des amoureux de leur rivière dont ils connaissaient chaque recoin, chaque banc de sable et chaque caprice. Ils étaient aussi d’excellents pêcheurs, souvent un peu braconniers, pour le plaisir mais aussi pour nourrir la famille. Le métier de tireur de sable n’était pas très lucratif. Sans la braconne beaucoup de familles n’auraient pas souvent mangé de viande ou de poisson.

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